Ah ! Les neurotypiques ! Ils nous en font vivre des émotions ! Je suis triste que plusieurs autistes les voient comme des ennemis. Il ne faut pas tous les mettre dans le même panier. Il y en a qui nous acceptent comme on est et pour ce que nous sommes. Je pourrais vous en nommer. J’ai rencontré, en jouant au curling, des gens qui ne m’ont jamais laissée tomber, et ce, malgré les comportements inappropriés que j’ai pu avoir devant eux. J’ai, de fil en aiguille, noué une relation d’amitié avec certains d’entre eux. Je m’ennuie d’eux durant l’été et je suis heureuse quand j’ai l’occasion d’en rencontrer un ou une.
Je suis triste quand je vois des autistes qui se privent de pratiquer un sport ou de participer à une activité de loisir, parce qu’ils ont peur de se faire malmener par des neurotypiques ou qui abandonnent dès qu’ils reçoivent un commentaire désobligeant. Oui, c’est possible de se joindre à des neurotypiques et d’avoir du plaisir avec eux. Oui, le plaisir peut prendre le dessus sur l’anxiété.
Voici quelques conseils tirés de mon expérience de joueuse de curling. Je suggère de le dire que nous sommes autistes. Je sais que ce n’est pas facile pour certaines personnes d’avouer qu’elles sont autistes. Cependant, ça peut aider ceux que nous côtoyons à mieux comprendre qui nous sommes surtout si nous avons des comportements qui peuvent être bizarres. Les neurotypiques sont bons pour lire entre les lignes, mais ils ne peuvent pas tout deviner. Quand j’ai dit au curling il y a plusieurs années que je suis autiste, il y en a qui m’ont tourné le dos, mais il y en a plusieurs qui ont bien accueilli la nouvelle. C’est avec eux que je me tiens. N’oublions pas, que nous soyons autistes ou neurotypiques, il y en aura toujours qui ne nous aimeront pas la face ! Si vous cherchez un milieu pour une activité de loisir ou un sport où tout le monde sans exception va vous apprécier, vous n’en trouverez jamais. Je me sens acceptée au club de curling, mais je sais que certaines personnes m’apprécient moins.
C’est plus facile à dire qu’à faire de ne pas se préoccuper de ceux qui ne nous aiment pas, mais nous pouvons y arriver. Je sais que pour certaines personnes autistes, socialiser est difficile. Je trouve que c’est important de le faire au moins de temps à autre. Si, après avoir joué une partie de curling, je rentrais tout de suite chez moi au lieu de prendre une consommation avec mes coéquipiers et mes adversaires, personne n’aurait appris à me connaître. En apprenant à connaître ceux qui nous entourent, ça devient plus facile et plus agréable de jaser avec eux. Les gens au curling ont tranquillement découvert l’être humain derrière l’autiste. Quand j’ai commencé à jouer au curling, il y a bientôt 16 ans, prendre une consommation avec mes coéquipiers et mes adversaires n’était pas ce que je trouvais de plus agréable. Aujourd’hui, j’aime bien ça et l’anxiété que ça me causait a beaucoup diminué. Au début, je ne parlais pas beaucoup et il est arrivé une fois, puis une autre où j’ai osé m’exprimer sur un sujet qui m’intéressait. Je répondais aux questions que l’on me posait. Quand nous pratiquons un sport ou que nous participons à une activité de loisir, nous avons tous un intérêt en commun. Notre sport peut être un bon sujet pour amorcer une conversation.
J’avoue que ce n’est pas toujours facile de se retrouver dans les normes sociales des neurotypiques, qui semblent parfois dénuées de sens pour nous les autistes. Au curling, des normes sociales, il y en a. Ça m’a pris du temps avant d’arriver à m’y retrouver et c’est encore difficile aujourd’hui. Le curling est un sport de gentilhomme. Avec mon honnêteté, je n’ai pas de difficulté à le mentionner quand je fais une erreur. Me réjouir d’un bon coup de l’adversaire, c’est plus difficile. J’ai aussi de la misère à ne pas me réjouir d’un mauvais coup de nos adversaires. Je suis un livre ouvert. Je n’arrive pas à cacher mes sentiments. J’ai appris, à la suite de plusieurs années à jouer au curling, le juste milieu. Je ne me force pas à me réjouir d’un bon coup de l’adversaire, mais je n’exprime pas ma déception non plus. Quand j’ai commencé à jouer au curling, je pouvais sauter de joie quand un adversaire ratait son coup. Je ne le fais plus. Par contre, je ne m’empêche pas de sourire quand un adversaire fait une erreur.
Nous les autistes, nous avons de la difficulté à lire entre les lignes. Les réponses parfois cachées entre les lignes des neurotypiques ont le don de nous faire damner et même paniquer. Les neurotypiques, soyez clairs dans vos réponses ! Par exemple, « je ne sais pas, on verra », ça veut dire ce qui est écrit, ça ne veut pas automatiquement dire non pour nous les autistes. Si nous vous reposons une question plus d’une fois, c’est peut-être parce que nous n’avons pas décodé la réponse que vous avez cachée entre les lignes.
Je me suis à quelques reprises sentie blessée, car on m’avait donné de l’espoir alors qu’il n’y en avait pas. Je me sens plus à l’aise à l’écrit, alors j’utilise le courriel pour communiquer. Il y a quelques années, je m’étais retrouvée sans équipe de curling. J’ai communiqué avec un capitaine par courriel pour lui offrir mes services pour remplacer dans son équipe. Mon cœur ne voulant pas être blessé à nouveau, je lui ai mentionné que je voulais qu’il soit honnête avec moi, que s’il ne voulait pas que je remplace dans son équipe, qu’il me le dise. Je lui ai aussi mentionné qu’un non poli fait moins mal que de me faire dire que l’on prend mon offre en considération. Pour me rendre compte que finalement on a pris mon offre en considération que pour être gentil, mais qu’au fond, on ne veut pas jouer avec moi et qu’on appelle toujours quelqu’un d’autre. Ça a bien passé et j’ai obtenu plusieurs remplacements avec lui cette année-là.
Aussi n’ayons pas peur des taquineries, la plupart ne sont pas méchantes. Il y en a plusieurs qui taquinent ceux qu’ils aiment. Si nous nous sentons blessés par l’une d’elles, on le dit. Pour ceux qui sont moins à l’aise à l’oral, il y a l’écrit. Aujourd’hui avec les réseaux sociaux, c’est facile d’envoyer un message à quelqu’un. Nous n’avons pas besoin d’être ami Facebook avec une personne pour lui envoyer un message privé. Il m’est arrivé de me sentir mal à l’aise, même ridicule, car j’ai mal compris les propos des neurotypiques. La plupart ne m’en ont pas tenu rigueur.
Voici ce que j’ai vécu au curling l’automne dernier. Je jase avec un ami qui a un bon sens de l’humour. Celui-ci me dit qu’il va être pépère. J’éclate de rire. Pour moi « pépère » signifie être vieux et je sais que mon ami va célébrer son 60e anniversaire de naissance quelques jours plus tard. Je le revois une semaine plus tard et il me montre l’échographie de son futur petit enfant. Toute surprise, je lui dis : « Tu vas être grand-père! » Il me répond : « Je t’ai dit la semaine dernière que j’allais être pépère et tu es partie à rire. » Un sentiment de malaise m’a envahie. Je lui ai expliqué que pour moi pépère voulait dire être vieux et non grand-père. Il a compris et nous sommes toujours de bons amis.
Se mêler aux neurotypiques aide à faire tomber les préjugés sur nous les autistes. J’avoue que ça n’a pas toujours été facile au curling et qu’il y a eu des larmes. J’ai réussi à faire ma place. Je me dis que la journée où une autre personne autiste ou différente va se présenter au club de curling, ça va être plus facile pour elle de s’intégrer, de faire sa place grâce aux portes que j’ai défoncées. Sur ce, que votre été soit parsemé de petits bonheurs.
20 juin 2019 - Je ne sais pas pour vous, mais je suis de plus en plus lasse d’entendre certaines personnes, qui œuvrent auprès de nos enfants, claironner à tout vent que l’autisme, ils connaissent ça ! Je suis vannée d’avoir à expliquer que, quand on connaît bien le fonctionnement autistique et qu’on apprend à reconnaître leurs besoins uniques, non, nos enfants ne sont ni opposants, ni rigides, ni agressifs. Attention, je ne dis pas que cela est impossible, mais il serait bon de tenter de voir au-delà des comportements. <
29 mai 2019 - Dans ma famille, c’est connu, on est anxieux. Ce qui était moins connu, c’était l’Asperger qui m’habite depuis toujours et qui rend les choses plus difficilement gérables. Anxieuse, moi?Toute ma vie a été faite de peurs et d’inquiétudes. Plus jeune, c’est une grande part de la construction de ma personnalité qui s’est bâtie sous le joug de la peur… ma peur. Plus tard, comme si je n’étais pas suffisamment inquiète pour moi-même, vinrent mes enfants et leurs multiples petits bobos.<